[CHRONIQUE] Les Fauves, de Ingrid Desjours

05 - Desjours, Ingrid - Les FauvesAuteure : Ingrid Desjours
Éditions : Robert Laffont, coll. La Bête Noire
Pages : 448 pages
Date de sortie :  8 octobre 2015
ISBN-13 : 9782221146071
Genre : Thriller
Langue de lecture : Français

Résumé :

Votre pire prédateur : Celui qui vous aura apprivoisé.
« Torturez-la ! Violez-la ! Tuez-la ! » À la tête d’une ONG luttant contre le recrutement de jeunes par l’État Islamique, l’ambitieuse Haiko est devenue la cible d’une terrible fatwa.
Lorsqu’elle engage Lars comme garde du corps, le militaire tout juste revenu d’Afghanistan a un mauvais pressentiment. Sa cliente lui a-t-elle dit l’entière vérité sur ses activités ? Serait-ce la mission de trop pour cet ancien otage des talibans ?
Dans cet univers où règnent paranoïa et faux-semblants, Haiko et Lars se fascinent et se défient tels deux fauves prêts à se sauter à la gorge, sans jamais baisser leur garde.

Chronique :

Il y a quelques semaines, via le site NetGalley, j’ai pu obtenir une copie électronique de ce nouveau roman d’Ingrid Desjours, publié le 8 octobre chez Robert Laffont, dans leur toute nouvelle collection « La Bête Noire ». Il s’agissait du premier titre de l’auteure sur lequel mes yeux se posaient, et je peux maintenant affirmer avec certitude qu’il ne sera pas le dernier !

En me plongeant dans « Les Fauves », j’ai vite compris qu’il ne s’agirait pas d’une lecture comme les autres. L’ambiance est posée d’emblée, lourde, dure, mais on ne peut plus actuelle. Un sujet très difficile qu’il faut avoir les tripes d’aborder dans ses écrits : la montée de la radicalisation à laquelle nous assistons depuis plusieurs mois maintenant, avec les conséquences effroyables que nous venons encore de connaître. Ces jeunes qui quittent leur pays d’origine ou d’accueil pour se rendre en Syrie et y faire leur djihâd, les attentats contre le journal Charlie Hebdo qui ont secoué l’opinion publique plus tôt cette année, la menace de fatwa qui plane sur tout qui osera se dresser face à Daech… Honnêtement, je ne me tourne pas vers ce genre de lectures en général puisque lorsque je me plonge dans un livre, c’est dans l’espoir justement de me détacher et d’oublier pour quelques heures la noirceur du monde qui nous entoure et avec lequel je me sens de plus en plus en décalage. Mais je ne regrette en rien ma lecture tant elle a été puissante, poignante et prenante !

Le style de l’auteure y est certainement pour beaucoup. Les phrases coulent comme de l’eau de source, les chapitres de longueur adéquate s’enchaînent et il m’a été très difficile de reposer ma liseuse lorsque j’avais atteint mon point d’arrivée ou que ma pause déjeuner touchait à sa fin ! C’est cette écriture fluide et incisive, ce style accrocheur tout en restant juste et simple qui me donnent envie de découvrir d’autres titres d’Ingrid.

Dans Les Fauves, nous suivons plusieurs personnages, qui tous tournent de près ou de loin autour de la protagoniste, Haiko, journaliste fondatrice de l’association N.e.r.F (Nos enfants restent en France). Cette association se charge d’intercepter de futurs jeunes djihadistes avant leur départ vers la Syrie et de les envoyer à l’étranger pour les faire déradicaliser. La menace d’une fatwa pèse sur elle et sa mère, Katia Homoreanu, célèbre journaliste télévisuelle, décide de faire appel aux services d’un garde du corps pour la protéger. Ce garde du corps n’est autre que Lars, ex-militaire rentré d’Afghanistan il y a peu, avec les traumatismes et séquelles que l’on peut imaginer après avoir été fait captif des talibans. Le livre nous emmène donc dans le quotidien de Haiko et nous plonge dans le vif du sujet dès les premières pages, sans jamais tourner autour du pot.

Les personnages, autant principaux que secondaires, sont criants de vérité sans pour autant tomber dans le cliché. Tous ont leurs forces et leurs failles et ce microcosme va s’articuler en une chorégraphie bien huilée tout au long du roman. Plein de profondeur et de réalisme, j’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteure nous les fait découvrir petit à petit, dévoilant un peu plus de leur histoire au fil du livre, ce qui nous permet de mieux comprendre certaines de leurs réactions et particularités.

Je l’ai déjà dit, le sujet traité est dur, mais abordé je trouve de manière juste et non racoleuse. Dès que j’ouvrais le livre, je faisais un bond de quelques mois en arrière, me retrouvant début janvier 2015, au lendemain des attentats contre l’équipe du journal Charlie Hebdo. Ce livre participe en quelque sorte à l’éveil des consciences, à ouvrir les yeux sur ce qu’est devenu le monde dans lequel nous vivons. Il s’agit là je trouve d’un témoignage courageux de la part de l’auteure, qui frappe fort avec ce nouveau roman. Le ton est juste, on sent la recherche et la documentation effectuées pour étayer sa thèse, et le sujet est on ne peut plus d’actualités vu les événements tragiques auxquels nous venons d’assister.

En bref, même s’il s’agit d’une lecture très différente de celles que j’ai pour habitude de lire, j’ai passé un excellent moment avec Les Fauves et ses protagonistes, et il me tarde de découvrir d’autres écrits de l’auteure tant son style m’a plu !

En bonus, quelques phrases tirées du livre qui font réfléchir :

« Finalement, cette radicalisation que combat Haiko n’est-elle pas la conséquence logique de tout cela ? Comme les représailles d’une enfance qui a été volée, piétinée au nom de la loi du marché ? D’une enfance dépossédée de ses rêves, de son besoin de beauté pour mieux être lancée dans la course au pognon et à la séduction. D’une enfance qui ne va jamais assez vite ni assez bien au goût d’adultes qui n’aiment rien tant que l’instrumentaliser pour combler leurs propres béances. Des gosses forcément précoces, ou bien hyperactifs, ou bien graines de star… quand a-t-on cessé de penser qu’être juste un gamin était bien suffisant ? Comment ne pas se sentir responsable des créatures monstrueuses que nous avons engendrées à force de leur demander d’être autre chose que des enfants ? Comment leur en vouloir de se sentir si vides et dépossédés de leur propre identité qu’ils ne font plus la différence entre les jeux et la réalité, qu’ils ont développé ce que les générations précédentes ont souillé, abdiqué : une quête de sens, un besoin profond de spiritualité, de se sentir utiles, de se sentir vivre même si pour cela ils doivent donner la mort et crever prématurément ? »

« Je n’ai jamais réussi à croire en un être supérieur qui régirait nos vies. Je veux bien croire à la beauté, à l’organisation parfaite de la vie et appeler ça Dieu si ça vous fait plaisir. Mais je n’ai pas besoin d’une religion qui me dicte ce qui est bien et ce qui est mal, ni m’indique comment vivre ! »

« […] il ne faut pas croire toutes les rumeurs, encore moins celles qui prennent leur source sur Internet ou à la télévision. Rien de ce qu’il s’y dit n’est la réalité. Un nouveau scandale chasse l’autre, les causes à soutenir, les personnes à haïr, tout ça c’est de la poudre aux yeux, une distraction pour occuper les gens qui s’ennuient. Is s’indignent, ils s’enflamment, on nourrit la bête qui est en eux… tout n’est que triste cirque. Ne tombez pas dans le panneau. »

Ma note :

Note 5

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3 Replies to “[CHRONIQUE] Les Fauves, de Ingrid Desjours”

    1. Caladhiel Post author

      Je connais NetGalley depuis déjà un bon bout de temps parce qu’avant de proposer des titres en français, c’est un réservoir d’ARC en anglais! J’ai pu découvrir quelques chouettes titres comme ça! Si tu lis en numérique aussi, tente ta chance pour Les Fauves, je pense qu’il est encore disponible! L’éditeur doit approuver ta demande, mais si ton profil renseigne bien ton blog, je pense qu’il ne devrait pas y avoir trop de souci. Autre chose bonne à savoir: les livres ne sont disponibles que pendant 60 jours généralement. Au-delà de ce délai il est impossible d’ouvrir le fichier. Donc mieux vaut éviter d’avoir les yeux plus gros que le ventre 🙂
      Bonne lecture si tu te laisses tenter en tout cas!

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